« L’ironie du sort » est un livre fou né d’une vingtaine d’années de lectures, de rencontres avec le cinéma, la musique… Il est né de la passion de l’auteur pour le compositeur Erik Satie, et de quelques coïncidences : Erik Satie meurt le 1er Juillet 1925, alors que naît, le même jour donc, l’acteur américain Farley Granger qui joua dans « La corde » d’Alfred Hitchcock, tous les deux autres figures tutélaires de Didier da Silva. Et que raconte « La corde » ? Un fait divers qui se déroula à la fin de Mai 1924, lorsque deux hommes, Leopold et Loeb, assassinent le jeune Robert Francks. C’est à ce moment là que la machine à écrire portable Underwood est jetée dans une lagune. La boucle est bouclée, ou plutôt elle est le départ d’un fil conducteur dont Didier da Silva décrit les méandres et nous entraîne dans une farandole étourdissante.
Didier da Silva a mis trois mois à écrire ce livre qui, dit-il, le libère d’une certaine paranoïa somme toute bien humaine, où chacun s’arrange avec ses petites superstitions. Il a lui-même été entraîné dans cette sarabande – souvent jubilatoire avoue-t-il et ça se sent à le lire -, sorte de ronde intime avec des personnages qui ne le sont pas littéralement parlant, mais qui par la force de l’auteur le deviennent. Comme sur une bande magnétique s’enroulant sur elle-même, les images se superposent et en créent de nouvelles, dans une version géniale (et ô combien plus complexe !) d’un « trois petits chats, chapeau de paille, paillasson, somnambule…. ». On y apprend aussi que le sort s’acharne sur tous, mais différemment sur chacun. Et si on a parfois l’impression d’un serpent qui se mord la queue, il n’en est rien, Didier da Silva sait où il va.
Nous sommes faits de ce que nous aimons et ceux que nous aimons portent et construisent chacun une petite part de nous. Tous les personnages dont nous parle Didier da Silva, chacun à leur manière, nous parle un peu de lui. Les destins s’enchaînent et se répondent et donnent un livre OVNI dont on salue l’auteur pour son talent: c’est de la haute voltige sans filet, avec un brin d’humour cynique qui n’est pas détestable. Une sorte de long plan séquence à la Hitchcock où “ce qui compte c’est le mouvement, cet oeil impitoyable qui ne se ferme pas.”
Fascinant.