Municipales à Bordeaux : le feu vert de Pierre Hurmic


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 03/10/2019 PAR Romain Béteille

@qui.fr – L’écologie est aujourd’hui devenu un sujet de préoccupation majeur chez beaucoup de citoyens, notamment les plus jeunes. Les attentes sont très fortes, tout comme le scepticisme national à l’égard de la politique gouvernementale. Pensez-vous que ce contexte nouveau accroît la nécessité et la légitimité d’une politique écologiste locale ?

Pierre Hurmic, conseiller municipal et métropolitain (EELV) – C’est vrai que la question écologique est désormais installée au cœur du paysage politique, ça paraît évident. J’en tire une conséquence : elle doit devenir la force propulsive de l’alternance dans une ville comme Bordeaux pour en imaginer un nouveau destin davantage compatible avec le respect de cet engagement. Je pense que toutes les forces en présence n’ont pas pris conscience de cet impératif climatique. Certains font encore semblant d’avoir compris le message mais ne changent rien à leur vieux logiciels visant à construire de nouvelles routes, continuer à artificialiser les sols, encourager le trafic aérien. Ce sont de vieux réflexes qui ne tiennent pas compte du nouveau paradigme. Ce ne sont pas les discours qui freinent le réchauffement, ce sont les actes. Or, à ce niveau, on ne voit pas grand-chose…

Stopper la course

@qui.fr – Que pensez-vous des premières propositions de vos adversaires déclarés (ou pas) concernant l’écologie ?

P.H – C’est souvent fumeux et c’est de la communication. Le souhait de lancer un emprunt vert d’un milliard d’euros, c’est du même ordre que l’agglomération millionnaire souhaitée il y a quelques années, à savoir de la communication autour de chiffres. Ce n’est pas ça l’écologie, ces annonces ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Il faut reconnaître que l’écologie, c’est aussi la sobriété. Ça veut dire qu’à mon avis, il faut dégager des marges de manœuvre pour financer la transition écologique. Ça passera nécessairement par le fait de mettre fin à un certain nombre de grands projets qui sont très budgétivores. Par exemple, on proposera de vendre le grand stade au club des Girondins et mettre un terme au contrat de Partenariat Public-Privé (PPP). Ce sont des budgets inutiles et extrêmement coûteux : on est engagé pendant trente ans pour financer un équipement à moitié rempli. La pression fiscale est arrivée à un sommet, il faudra faire des économies, on les fera sur les grands projets inutiles. 

Le métro en fait partie. C’est une ânerie parce qu’on n’a pas la capacité financière : une seule ligne était chiffrée à 1,4 milliard avant même le premier coup de pioche. Le tracé envisagé était en plus une ligne de loisirs qui allait de l’Arena jusqu’au Grand Stade. Il faut plutôt réfléchir à une solution pour aider les gens bloqués sur la rocade. Il faut arrêter de réfléchir en termes de tuyaux, il faut penser les mobilités de façon globale. On règlera le problème en réglant aussi l’inadéquation entre les zones d’habitat et les zones d’emploi. Dès qu’on crée un nouveau tuyau, il est très vite engorgé parce que les gens prennent de nouvelles habitudes et la solution technique s’avère très rapidement défaillante. Il faut penser les mobilités de manière écosystémique, en rentrant d’autres paramètres dans la problématique. Enfin, l’idée du grand contournement est aussi stupide. On ne le fera pas, même au niveau national on commence à dire qu’on veut mettre un terme aux financements publics des autoroutes. C’est une artificialisation des sols totalement contraire à tous les engagements climatiques pris par le pays, ce n’est pas non plus compatible avec nos engagements internationaux.

Coeur de campagne

@qui.fr – Vous avez annoncé le 26 septembre dernier, en même temps que votre candidature, votre volonté de déclarer Bordeaux en « état d’urgence climatique ». Concrètement, qu’est-ce que cette décision implique et quelles sont les premières priorités qui vont alimenter votre campagne dans les mois à venir ?

P.H – Ça implique des décisions fortes qui devront être prises immédiatements. J’en ai décliné cinq. La première, c’est imposer l’impératif de zéro artificialisation des sols, et donc construire la ville sur la ville en élevant les échoppes et les programmes immobiliers en hauteur, à condition que ça se fasse dans des quartiers où il y a déjà des immeubles haut et de façon mesurée. Le prototype même d’un projet hors du temps, c’est celui qui était envisagé pour le quartier de la Jallère qui consiste à artificialisé un espace naturel de quarante hectares qui appartient à la métropole. Il faut à tout prix le conserver.

La deuxième décision que nous prendrons sera de rééquilibrer la place de l’automobile dans le partage de la voierie. La voiture consomme aujourd’hui plus de 70% de l’espace tout en représentant 49% de l’ensemble des déplacements. On lancera un vrai plan vélo, moins timide que celui de la métropole. La part modale du vélo est à 15% dans Bordeaux, mais elle tombe à 8% sur le reste de la métropole, ce qui est dérisoire. On s’est fixé pour objectif d’arriver à 15% en 2020, on n’y est pas encore. Si on veut propulser la pratique du vélo, il faut accepter de supprimer une voie à la circulation automobile, ce ne sera pas du « en même temps », il faudra choisir. Limiter la circulation des véhicules les plus polluants est une solution mais on ne peut pas se contenter de ça. Peut-être faudrait-il mettre en place des vélo-rues ou des zones de circulation apaisée. On va proposer également un code de la rue adaptée aux nouvelles mobilités pour pacifier l’espace public. La Loi Mobilité est sans cesse retardée. Il y a quelques années (en 2007), j’avais réussi à convaincre Alain Juppé qu’il fallait un code de la rue, c’était il y a dix ans et il n’y avait pas ces mobilités alternatives aujourd’hui florissantes. Enfin, on va lancer un « plan marchable » pour favoriser la circulation des piétons. En début de mandature, on avait lancé l’idée d’un plan piéton qui n’a jamais vu le jour, on l’a reporté à la prochaine mais on a aucune garantie qu’il se fera. Ça veut dire notamment supprimer tous les obstacles sur les trottoirs et faire des aménagements urbains destinés au piéton.

La troisième mesure, c’est un plan de santé municipal qui fera de l’amélioration de la qualité de l’air une priorité. Songez que beaucoup de bordelais sont aujourd’hui exposés à des dépassements des seuils de polluants atmosphériques, il est temps de lutter efficacement contre ça.

Le quatrième point, c’est la politique du logement. On en a déjà un peu parlé, mais l’échec de la politique de l’offre menée jusqu’à ce jour est flagrant, elle a aggravé les problèmes. Les gens vont se loger de plus en plus loin, cela contribue à un étalement urbain largement responsable dans les problèmes de mobilité à Bordeaux. Il faut réviser les Plans Locaux d’Urbanisme, accepter de construire plus haut à certains endroits, avoir une vraie politique d’encadrement des loyers, accepter d’étudier une politique de réduction ou de réquisition des logements vides à Bordeaux (environ 10 000 logements vacants dont la moitié environ sont mobilisables). Sur le logement saisonnier, un premier encadrement a été fait à 120 jours par an, je pense qu’il faudra réduire cette possibilité de moitié pour prioriser ces logements vers les étudiants. On veut aussi favoriser de nouvelles formes de propriétés comme l’habitat participatif et les offices fonciers solidaires (récemment mis en place à Lyon) permettant de dissocier la propriété des sols de celle des murs. Ça permet un accès à la propriété immobilière bien plus intéressant que l’accès traditionnel.

Le cinquième axe sur lequel on va insister, c’est la démocratie locale. Il est temps de passer d’une démocratie intermittente à une démocratie permanente. À Bordeaux, il y a encore de vieux outils que sont les conseils de quartiers dans lesquelles on retrouve toujours les mêmes gens. On a réussi à imposer le budget participatif à Bordeaux, il a fallu qu’on revienne dessus à chaque conseil municipal pour qu’Alain Juppé ne craque qu’en fin de mandat. S’il y a eu autant de propositions à dimension écologique dans ce premier budget, c’est parce que les bordelais se rendent compte que la municipalité ne réalise pas ces projets et ne s’empare pas de ces problématiques. Ce que l’on va proposer par rapport à la démocratie locale, c’est l’organisation dès le mois de juin de premières « assises du pouvoir partagé » pour remettre à plat les méthodes et instances de gouvernement local. On y retrouvera du tirage au sort ou la désignation d’experts pour participer aux travaux des assemblées délibérantes.

Réseaux et « réseautages »

@qui.fr – Au niveau du déroulé de la campagne, quelles formes va-t-elle prendre pour vous ?

P.H – Pour l’instant, tout n’est pas encore totalement calé. On va naturellement faire des réunions publiques. On commence à être très présents sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram), on est en train de mettre la machine en route. Ce vendredi par exemple, on réunit les associations environnementales autour de la venue de Marie Toussaint qui a lancé l’appel de l’Affaire du Siècle. Pour l’instant, on n’a pas encore de permanence, on étudie plutôt des possibilités de permanence mobile, un engin que l’on déplacerait de quartier en quartier pour aller directement à la rencontre des gens.

@qui.fr – En 2014, vous vous étiez rallié à la liste de Vincent Feltesse (22,58% des voix), candidat dont vous vous êtes aujourd’hui éloigné. Des discussions sont actuellement en cours avec Matthieu Rouveyre (qui n’est pas encore le candidat officiel du PS dont les militant doivent élire le binôme le 10 octobre) dont certaines idées (notamment sur la densification urbaine) se rapprochent beaucoup de celles que vous venez d’évoquer. Cette campagne promet-t-elle encore des alliances entre vos partis pour peser face au maire sortant ?

P.H – Concernant la composition de la liste, je considère que l’urgence écologique exige un dépassement des partis. On ne passera donc pas des accords de partis comme ça se fait traditionnellement et comme d’autres listes vont le faire. Il y a en effet des discussions avec Matthieu Rouveyre et d’autres, nous sommes tout à fait ouverts à des discussions avec des personnalités politiques locales ou des militants particulièrement actifs. Je ne signerai pas d’accord avec le PS. J’ai accepté de discuter avec Emmanuelle Ajon et Matthieu Rouveyre parce qu’ils ont signé l’appel de Bordeaux qu’on a lancé le 26 juin dans lequel on disait que la question écologique devait devenir la force propulsive de l’alternance à Bordeaux autour d’accords de valeurs plutôt que de partis.

En revanche, je pense que trop de choses nous séparent de Thomas Cazenave. Il a été le premier à parler de sa volonté écologiste en voulant faire de Bordeaux une « ville verte à visiter ». On veut plutôt une ville verte à habiter avec une écologie du quotidien avec une vision pragmatique. 

Pour le moment, on a réussi à rassembler toutes les forces politiques écologistes alors qu’on était encore récemment opposés aux Européennes. C’est un signe fort à donner : pas de dispersion des forces écologistes sur Bordeaux. Il faut par contre élargir notre dynamique électorale au-delà de la sphère écologiste et des citoyens déjà engagés à nos côtés. Ce sera autour d’un même socle qui est l’écologie, on ne déviera pas de cette matrice.

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