VitiREV : actions, objectifs et finances


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 15/11/2019 PAR Romain Béteille

Les objectifs de VitiREV sont multiples, mais on peut notamment citer la certification de 85% des surfaces en Bio, HVE ou ISO 14 001, le développement d’un « modèle agroécologique » s’appuyant sur une réduction massive des intrants (de 14% de CMR utilisés aujourd’hui à moins de 1%) et l’objectif d’atteindre 80% des surfaces agricoles non-traitées par désherbage chimique, le tout à échéance 2030. Des vingt-quatre lauréats, il est le projet national ayant reçu le plus d’aides (73,6 millions d’euros débloqués sur dix ans). En Nouvelle-Aquitaine, la vigne pèse lourd : 120 000 emplois directs et indirects, sept milliards d’euros de chiffre d’affaires et 216 000 hectares de surface, soit 26% de la surface viticole nationale. Yann Raineau n’a pas été nommé coordinateur du projet par hasard : ingénieur agronome et docteur en sciences économiques, il est l’auteur d’une thèse visant à effectuer une « analyse comportementale des blocages et des leviers d’action » des défis environnementaux de la viticulture. Ingénieur de projet et économiste à Bordeaux Sciences Agro, il est rattaché à la région Nouvelle-Aquitaine en charge du « développement des approches comportementales ». Il revient avec nous sur le vaste chantier dans lequel la région Nouvelle-Aquitaine est en train de s’engager.

@qui.fr – Qu’est-ce qui a suivi l’annonce de VitiREV en tant que lauréat de l’appel à projet national ? Où en est-il aujourd’hui ?

Yann Raineau, coordinateur du projet VitiREV – Avant tout, c’est une grande joie, celle de tous les partenaires du projet de voir leur ambition reconnue au niveau de l’État. Vitirev est le lauréat ayant obtenu la plus grande subvention parmi les 24 lauréats, ce qui est une marque de confiance et de reconnaissance.

De façon plus prosaïque, on est en ce moment dans une phase de conventionnement avec l’État et la Banque des Territoires pour ouvrir le canal des subventions vers l’ensemble du projet. Il y a eu un redimensionnement au vu du regard qu’a porté l’État et le comité de sélection et plusieurs actions sont encore à revoir et a réadapter au budget. En parallèle, on va entrer dans phase de travail du comité d’investissement vers les entreprises qu’on avait fléché dans le cadre du projet et mettre en place plusieurs fonds d’investissements spécifiques à VitiREV. 

@qui.fr – Ça veut dire que des entreprises (de moins de huit ans) ont déjà été retenues pour bénéficier de ces fonds (de 500 000 à 5 millions d’euros par « ticket » et par entreprise) ?

Y.R – Oui, on nous a demandé de flécher un certain nombre d’entreprises qui étaient en stade de levée de fonds, que ce soit sur du moyen ou long terme. On a réussi à en identifier treize qui interviennent dans la transformation agroécologique de la viticulture et des territoires. Ces 13 entreprises ont déjà été contactées par la Caisse des Dépôts pour voir dans quelles mesures elles étaient intéressées par les investissements, sous quelle forme et à quel timing. Maintenant, la balle est dans leur camp, elles doivent remporter l’adhésion du comité. Parmi elles, on retrouve Vegetal Signals, Exinnov ou encore Elicit Plant ou Immurise.

On les a choisies parce qu’on a confronté différents regards sur ces entreprises (ceux des chambres d’agricultures, d’Agri Sud-Ouest Innovation, du cluster Innovin ou de la recherche), on s’est accordés pour en saisir l’intérêt et le potentiel. Elles étaient partantes pour ouvrir leur capital à l’État dans un temps assez proche. 

Cela dit, peut-être que d’autres entreprises qui avaient été retenues au départ mais pas sélectionnées reviendront vers le projet, notamment à travers des fonds d’investissement qui vont nous permettre d’aller vers les entreprises tout au long de la vie de VitiREV. Pour être lauréats, on avait besoin d’afficher des entreprises qui allaient être en connexion directe. Mais tout l’intérêt des fonds d’investissement VitiREV qu’on est en train de créer, c’est de pouvoir accompagner des entreprises qu’on connaissait déjà où qu’on va découvrir dans deux ou trois ans et des entreprises qui n’avaient pas besoin d’investissement au moment de l’écriture du projet mais qui vont potentiellement connaître des stades de levées de fonds.

@qui.fr – Vous avez évoqué trois types de fonds spécifiques, qui viendront abonder les nombreux dispositifs d’aides déjà existants en Nouvelle-Aquitaine : un fonds innovation (doté de 30 à à 40 millions d’euros), un fonds dédié aux exploitations pour les accompagner vers la transition agroécologique (25 millions d’euros) et un fonds Terra pour le portage foncier (25 millions d’euros). Pouvez-vous nous en détailler les futurs usages ?

Y.R – C’est vraiment global, ça englobe des actions qui vont de la transformation numérique au soutien à la prise de risque à des actions sur la formation et l’attractivité des métiers. L’investissement sur les entreprises innovantes est un morceau à part entière, mais il s’englobe dans un écosystème plus large. Notre souhait sur la politique d’investissement, c’était d’avoir une part des fonds fléchés par l’État dans l’investissement qui transite par des fonds d’investissement ayant une gouvernance partagée entre la région et l’État. On a trois fonds mais deux cibles. D’abord, les entreprises qui présentent des innovations pour la filière. Ce ne sont pas des entreprises agricoles mais elles proposent des innovations dans les domaines du machinisme, des outils d’aide à la décision, du numérique et d’autres domaines comme le biocontrôle. La deuxième cible, ce sont les exploitations agricoles, elles peuvent être face à des difficultés financières liées à leur transformation agroécologique et aux risques qu’elles prennent dans cette transition.

Pour toucher les exploitations, on propose soit d’intervenir dans leur capital comme on le fait pour les entreprises, soit d’œuvrer à des solutions de portage foncier de court ou moyen terme où on propose d’intervenir pour générer du cash. Ce sera très règlementé, l’idée n’est pas de spéculer sur les terres, ce sera fait en adéquation avec un conventionnement passé par la FNSAFER pour border le processus. Ce cash pourrait aider les exploitations à financer leurs périodes de transition, elles récupèreraient leur foncier au bout de quelques années. On va passer par des sociétés de gestion pour gérer ces fonds. Demeter déjà lancé un fonds Agri Innovation sur Ag Tech) et Labelliance Invest, qui ont déjà lancé leurs propres fonds à destination de l’innovation agricole mais que l’on va davantage flécher vers la viticulture.

@qui.fr – À quoi va ressembler VitiREV en action ?

Y.R – On a défini aujourd’hui une soixantaine de fiches action. Pour avoir un filtre de lecture, disons que l’enjeu principal est celui de la transition agroécologique, de l’expérimentation et de l’innovation sur les territoires. On veut mettre le paquet pour qu’ils puissent avoir un meilleur score environnemental. Ça passe par des expérimentations, du soutien à la recherche et développement, aux entreprises et à la recherche notamment. On souhaite aussi au travers de ces actions regagner un peu de fierté. Aujourd’hui, la profession agricole et viticole est stigmatisée par son utilisation des pesticides, il faut qu’on arrive à montrer qu’elle peut réussir le pari de se transformer en restant proche des attentes sociétales et qu’elle peut redonner de l’attractivité à la profession. Il y a aujourd’hui des tensions sur certains métiers dans la vigne, notamment les tractoristes ou les vendangeurs, parce qu’il faut aussi que la filière retravaille les promesses de vie accrochées à ces métiers. Il y a donc un fort enjeu sur la formation et pour faire en sorte que Vitirev soit un pari gagnant et transforme vraiment les choses. Enfin, le troisième volet, c’est la transformation numérique. On a un gros chantier sur une plateforme numérique, baptisée le VitiData, à travers laquelle on va essayer de développer de nouveaux services pour accompagner la filière et qui permettra d’avoir une meilleure vision de ses performances environnementales et sanitaires.

On souhaite miser sur la concertation au niveau local, d’où l’idée des quatorze laboratoires d’innovation territoriale. L’idée, c’est de ne pas avoir un modèle plaqué qu’on passe au travers d’un appel à projet pour que seuls ceux qui en ont entendu parler se positionnent. On est plutôt sur un soutien à des approches émergeantes. On a laissé se construire sur le territoire des projets locaux, qui vont de la commune, Saint-Chistophe des Bardes (village vigneron en transition) à l’appellation (interprofession des vins de Bergerac). On a laissé les acteurs se positionner, qu’ils soient des collectivités, des coopératives, des syndicats de vignerons ou des organismes de recherche comme l’INRA. La région Nouvelle-Aquitaine s’impose en garant de la méthode. Pour que ce soit de vrais living-labs, il faut qu’il y ait une construction collective et une participation de différents types de publics : société civile, entreprise ou autres, pour les accompagner. On souhaite qu’ils expérimentent assez vite et qu’on puisse évaluer collectivement ces démarches. 

@qui.fr En termes de calendrier de déploiement, quelles sont les prochaines échéances ? Des évènements publics de lancement sont-ils prévus ?

Y.R – Actuellement, on finalise notre conventionnement avec la Banque des Territoires pour ouvrir le canal de subvention entre l’État et la Région, qui est chef de file. C’est un processus qui devrait nous emmener jusqu’en mars avant que la région ne reçoive les premières tranches de subventions et puisse les renvoyer vers les partenaires. Certains ont un peu de fonds de roulement, d’autres attendent vraiment ces financements pour démarrer.

Ensuite, à plus court terme, il y a des rendez-vous, pas forcément encore très ouverts mais action par action, qui vont se dérouler. Le rendez-vous qui réunira l’ensemble des LIT (laboratoires d’innovation territoriale) aura lieu fin novembre pour que tout le monde soit près au démarrage en 2020. On a un comité d’orientation stratégique avec huit personnalités extérieures qui donnent leur avis sur le projet qui va se réunir une fois par an pour en suivre l’évolution, la première réunion aura lieu en janvier. Ensuite, il y aura une assemblée générale courant 2020, très ouverte à l’ensemble des territoires pour s’informer sur le lancement du projet. On a travaillé un plan de communication et d’évènementiel avec les services de la région, on souhaite avoir des phases très marquées de réunions pour présenter le projet et ses avancements à la société civile et aux différents partenaires. Le LIT de Bergerac fait un évènement le 20 novembre. Innov Invest fait sa propre communication, pareil sur VitiData qui aura ses propres moments de rencontre avec du public. Ça se fait dans une logique décentralisée.

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