Bordeaux Métropole : opération séduction pour le programme « 50 000 logements »


Bordeaux Métropole
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 27/03/2019 PAR Romain Béteille

Faire ses preuves

Voilà qui ressemble fortement à une remise à plat. Ce mercredi 27 mars, la métropole a présenté un nouveau nom (mais une philosophie que l’on jure inchangée) pour le programme métropolitain « 50 000 logements autour des axes de transports collectifs » (charte adoptée en conseil de métropole en 2015 et appel à projet lancé en 2010). Désormais baptisé « Habiter, s’épanouir : 50 000 logements accessibles par nature », il veut clairement inciter les habitants de la métropole à abandonner peu à peu leur ambition de « maison avec jardin » face à la flambée des prix de l’immobilier que Bordeaux a connu ces dernières années. C’est aussi une manière d’enterrer poliment cette idée de la « métropole millionnaire », termes initié et aujourd’hui délaissé par Vincent Feltesse (PS), alors président de la Communauté urbaine de Bordeaux, un terme revenu au gré des concertations publiques et vécu, selon la Fab, comme un terme « anxiogène ».

Mais ce relooking ne cache-t-il pas aussi un intérêt majeur pour la métropole de ne plus raisonner en termes quantitatif pour ne pas être accusée de ne pas avoir répondu à ses objectifs en termes de livraisons ? Au niveau du bilan chiffré, 260 logements ont été livrés entre 2017 et 2018 dans le cadre de ce programme, environ 330 ont prévu de l’être au premier trimestre 2019 et 1500 entre le second trimestre 2019 et 2020 (de portée très locale, c’est-à-dire qui répond souvent, selon la Fab, à une attente des habitants de la commune concernée). Les communes de Bassens, du Bouscat, de Pessac, de Bordeaux, d’Eysines, de Mérignac et de Villenave d’Ornon sont concernées. En décembre 2018, 24 permis de construire ont été obtenus soit 3000 logements. 36% des logements ont un caractère social, 44% sont du logement privé et 20% de l’accession « sociale et abordable ». Ce dernier chiffre est inférieur de 10% à l’objectif annoncé lors de la création du programme. Mais les élus de la métropole l’assurent, c’est déjà bien. « Avant le programme, il n’y avait pas de logement abordable à 2500 euros du mètre carré. Les opérateurs et les promoteurs reconnaissent qu’on peut le faire. On n’est pas à l’objectif de 30%, on espère y arriver rapidement mais on part de 0% », avance Jacques Mangon, maire de Saint-Médard-en-Jalles et vice-président de la métropole en charge de l’urbanisme. « Ce programme va avoir un effet d’entraînement de plus en plus fort. Au fur et à mesure que nous livrons, nous montrons que le logement accessible et peu cher est possible à intégrer dans un programme ». 

Contrer l’étalement

Les opérations d’aménagement à elles seules prévoient en effet des objectifs de livraison toujours ambitieux : 11 500 logements pour les dix à quinze ans à venir au sein d’une dizaine de concessions différentes gérées par la Fab, aménageur de la métropole. Au total, 600 logements ont été livrés depuis le début de l’opération et sont aujourd’hui habités, 1500 seront livrés en 2020. En termes de prix, force est de reconnaître qu’on est loin de la valeur moyenne au mètre carré dans l’agglomération, estimé à 4300 euros TTC hors-parking : les logements du programme tournent davantage autour des 2500 euros du mètre carré, parking compris. Face à des prix de l’immobilier qui poussent toujours plus les habitants à s’expatrier à l’extérieur de la métropole pour y trouver des prix abordables (comme le montre le dernier bilan de l’Observatoire de l’Immobilier du Sud-Ouest), l’initiative paraît donc toujours assez ambitieuse. D’un autre côté, les opérations « 50 000 logements » ne pourraient cacher, chez certains maires de la métropole, l’envie de s’en servir comme un argument de poids pour justifier la baisse du nombre de permis de construire accordés en dehors de ces grandes opérations d’aménagement près des transports en commun déjà délimités. Face à une crainte de la densification urbaine et de la montée des immeubles dans des communes de l’agglomération qui veulent « préserver leur qualité de vie », le spectre de la métropole millionnaire à donc tout intérêt à rester dans les cartons.

« On a le devoir de construire en limitant l’étalement urbain, on ne peut pas éternellement consommer des espaces de nature, il faut être cohérents avec nous-mêmes; ça ne passe pas forcément par des immeubles, d’ailleurs », souligne Jacques Mangon, qui se défend, face à des objectifs pas tout à fait tenus en termes de quantité, d’une éventuelle frilosité des maires. « On ne baisse pas la voilure(…) Il faut toujours aller au-delà de la frilosité naturelle des riverains. Il ne faut pas confondre deux logiques qui amènent parfois certains maires à demander que l’on corrige les choses. Il y a des maires qui nous ont fait savoir qu’ils voulaient freiner la construction, non pas pour des raisons de contestation mais parce qu’ils n’arrivaient pas à suivre, notamment en termes d’équipements scolaires. On comprend alors qu’il y ait besoin d’une pause. Mais cet effet « demi-tour » ne s’est pratiquement pas produit ». Les problématiques soulevées sont multiples : tenue des délais de production face aux exigences architecturales, innovation, « densité vertueuse »… Pour le directeur de la Fab, Jérôme Goze,  « nous n’avons pas aujourd’hui l’appareil de production nécessaire pour atteindre cet objectif des 30%, notamment à cause de fortes tensions subies sur les coûts de construction. Charge aussi aux communes d’apporter les services nécessaires, et de créer des espaces publics. Certes, les opérations un peu plus longues, mais la qualité globale intègre aussi les nouveaux services apportés aux gens qui sont déjà là ». 

Entre l’acceptable et l’accessible

Jongler entre des programmes ambitieux et l’acceptabilité des riverains est aussi un enjeu majeur de ce programme au nom lifté mais aux objectifs maintenus. « Qui aurait pensé, il y a six ans, qu’au Bouscat on allait repartir sur du R+8 ? Pourtant c’est bien le cas : le programme de l’avenue de la Libération s’étale sur quatre hectares et il est composé de 400 logements. Ça a été présenté, compris par les riverains. Ces 400 logements sont sortis de terre en deux ans et nous n’avons pas eu un seul recours. C’est un des exemples que l’on peut proposer, on peut copier ce qui a été fait au Bouscat ailleurs », assure Patrick Bobet, nouveau président de Bordeaux Métropole. L’urbanisme raisonné, cher à Jacques Mangon et qui semble faire consensus auprès d’autres communes, ne doit pas non plus cacher des attentes citoyennes toujours plus fortes. Dans les concertations de la Fab, il est en effet apparu un fort désir de nature intégrée. Plus question de faire des programmes comme il y a trente ans, et le verdissement est même considéré clairement dans le discours politique comme une « contrepartie qualitative à la densification ». « Nous devons nous mettre en situation de convaincre l’habitant métropolitain qu’il peut trouver dans nos projets un niveau de services et d’épanouissement personnel tel que le modèle actuellement plébiscité de la maison avec jardin lui paraisse abandonnable ». On peut difficilement faire plus limpide, à part peut-être en reprécisant qu’entre 2000 et 2018, les prix de l’immobilier ancien à Bordeaux ont grimpé de quelques 400%. 

L’abandon de cette course aux chiffres, s’il ne peut masquer un démarrage timide, souhaite également offrir de nouvelles marges de manoeuvre pour abaisser encore les coûts de production. Ainsi, le « démembrement foncier » (montage plus complexe et non sans risques dans lequel un propriétaire peut vendre, sous-louer, transmettre ou hypothéquer) pourrait abaisser le prix du mètre carré à 2100 euros (cette solution a déjà été expémrimentée dans de cadre de la ZAC Route de Toulouse à Villenave d’Ornon pour une trentaine de logements). L’expérimentation d’un « habitat à la demande », permettant aux futurs acquéreurs de configurer leur appartement avant sa construction (à des prix compris entre 2500 et 10 000 euros du mètre carré), sur le domaine universitaire (Talence, Gradignan, Pessac) ou « l’évolution des procédés constructifs » (et donc l’innovation pour les constructeurs) sont aussi évoqués comme des pistes de recherche envisagés. Pourtant, des efforts sont encore à faire, notamment en termes de logement sociaux : s’ils sont de 23% dans la métropole (et d’un peu plus de 17% à Bordeaux), le bailleur girondin Domofrance a estimé l’écart entre l’offre et la demande à 32 000 logements. Face à l’indice du taux de pauvreté (14,1% sur la métropole contre 13,7% en Nouvelle-Aquitaine et 12,9% en Gironde) et en prenant en compte la part prise par le loyer dans le budget des ménages français, on comprend pourquoi « réduire la voilure » ne fait pas partie des priorités. Un petit lifting et un effort de communication pour rendre la vie en appartement à 2500 euros du mètre carré « désirable », en revanche, ne semble pas se refuser. 

L’info en plus : Pour accompagner ce changement de nom, le centre d’architecture organise du 28 mars au 26 mai prochain une exposition présentant, par le biais de photographies et de présentation de différents projets construits ou en cours, un premier bilan de l’opération « 50 000 logements » au musée d’art contemporain (CAPC) de Bordeaux. Plus d’infos sur les horaires et les objectifs de cette exposition sur le site www.bordeaux-metropole.fr

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