La région Nouvelle-Aquitaine au chevet du climat


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 03/12/2018 PAR Romain Béteille

Urgence partagée

Ce lundi 3 décembre s’est déroulé, à l’Hôtel de Région Nouvelle-Aquitaine (Bordeaux) le cinquième Comité régional des acteurs de la transition énergétique et du climat, en même temps que la 24ème conférence de l’ONU sur le climat qui se tient à Katowice, en Pologne. Pour le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le changement climatique « est déjà une question de vie ou de mort pour beaucoup de gens, de régions et même de pays et il est difficile de comprendre pourquoi nous, collectivement, avançons toujours si lentement, et même dans la mauvaise direction ». Ce sommet est aussi l’occasion de finaliser les règles d’application de l’accord de la COP 21 visant à limiter le réchauffement de la planète à +2 degrés. Comme l’a souligné le GIEC, il faudrait pour cela réduire les émissions de CO2 de près de 50% d’ici à 2030 par rapport à 2010. Le contexte du débat régional a évidemment toute son importance, puisque le Comité réuni ce lundi fait partie de l’élaboration du SRADDET, Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires, qui comporte un important volet climat-air-énergie. Il a été acté par la loi NOTRe en 2015 que chaque région devait élaborer son propre schéma d’aménagement du territoire. « Faire de la transition écologique et énergétique un levier de développement économique, d’innovation et d’amélioration de la qualité de vie » figurent ainsi parmi ses objectifs. Jusqu’au 15 décembre, il fait l’objet d’une consultation publique en ligne.

Les différentes présentations et témoignages du comité qui s’est tenu ce lundi (notamment autour des innovations dans les transports) ont surtout été l’occasion de présenter un premier document interne comportant les dix règles générales du volet climat-air-énergie du SRADDET. « Réduire les consommations d’énergie dans le bâtiment », « valoriser les ressources locales dans la production d’énergies renouvelables » ou « réduire la vulnérabilité des territoires par la prise en compte dans les documents de planification et d’urbanisme des risques climatiques » font notamment partie des orientations générales définies par ces premières présentation du document de travail. Pour Françoise Coutant, vice-présidente du conseil régional en charge du climat et de la transition énergétique, il s’agit surtout de règles générales et d’objectifs sur lesquels on va continuer à travailler parce que le sujet climat-air-énergie est très transversal et doit être cohérent avec les autres volets du SRADDET. La priorité qui a été notée par la plupart des acteurs, c’est trouver des manières d’économiser l’énergie, tous secteurs confondus, et limiter nos emissions de GES (gaz à effet de serre) ». Derrière ces orientations très techniques, les objectifs régionaux sont déjà identifiés et (très) ambitieux : pour l’exemple des GES, la Nouvelle-Aquitaine table sur une réduction de 30% et arriver à 32% d’énergie renouvelable.

« Réalité des territoires »

Si l’on en croit les données fournies par l’ADEME, elle est loin du compte : entre 1990 et 2015, le total des GES anthropiques de Nouvelle-Aquitaine a baissé de -1,1%. Malgré un recul plus important entre 2005 et 2015 (-10,5%), la région représente toujours (en 2015) 11,3% de la consommation nationale soit 31,4 Mwh par habitant (contre 26,8 Mwh au niveau national, « le caractère rural du territoire ainsi que l’importance des consommations du secteur du transport expliquent cette différence », écrit l’ADEME). Dans ce rapport très détaillé, on peut aussi constater qu’un ménage sur quatre est concerné par une situation de vulnérabilité énergétique, avec une forte disparité en fonction des différents territoires. L’ex Limousin, par exemple, est la région la plus touchée avec 24,7% de la population en situation de précarité énergétique liée au logement contre 14,7% en France. Pour ce problème, faciliter la généralisation de l’isolation thermique extérieure (ITE) en l’intégrant aux documents d’urbanismes, fait ainsi partie des pistes de réflexions qui pourraient être actées lors de l’adoption du SRADDET.

Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, ajoute : « on ne part pas de rien. Le dispositif Terra Energie a bénéficié de 120 millions d’euros d’investissement pour les énergies renouvelables, et l’aide de la Banque Publique d’Investissement devrait permettre de monter en puissance. Le tiers-financement des travaux des particuliers initié par le dispositif Artée a aussi été mis en place. Dans les transports, nous sommes impliqués pour faire du TER une alternative à la voiture, ce qui n’est pas simple lorsque des lignes comme Limoges-Angoulême, Bergerac-Sarlat ou Agen-Périgueux sont fermées ou menacées en raison de travaux de rénovation non-anticipés par l’Etat. Globalement, on n’échappera pas à l’investissement technologique et à l’innovation considérable nécessaire, que nous sommes prêts à financier via des appels à projets. On ne doit pas donner une seule piste mais plusieurs, et il faut accélérer, c’est la seule exigence que nous avons ».

Pour Françoise Coutant, « on n’arrivera à un scénario 100% de renouvelable qu’à partir du moment où on aura une réduction importante des consommations d’énergie. Ca passe par l’optimisation des bâtiments, des process industriels, des véhicules et un reste à consommer qui doit être rendu renouvelable. On va devoir avoir une solidarité inter-territoriale, tous n’ayant pas la capacité de rendre leur production d’énergie entièrement renouvelable ». La Région, qui lance en parallèle cette semaine son premier « Carrefour des territoires » à Jonzac, souhaite continuer à  recueillir leurs besoins des territoires et la manière dont la collectivité régionale peut les accompagner dans leur phase de transition. En fonction des besoins on essaiera de mettre en place des dispositifs adaptés ». Un exemple concret ? La prise en compte du changement climatique dans les Plan Locaux d’Urbanisme Intercommunaux (PLUI) ou les Schémas de COhérence Territoriale (SCoT) pour « stopper l’artificialisation des terres empêcher le ruissellement. Comment permettre à un territoire d’engager sa propre transition et la relocalisation des productions et des consommations, c’est la question. Concernant la réduction des GES, l’ambition est de relocaliser le plus possible la production en fonction des besoins en consommation. C’est une demande forte pour permettre une activité plus localisée ». La « relocalisation », même si elle a déjà commencé, apparaît donc comme un enjeu primordial dans les orientations régionales, surtout quand on sait que « la part des importations représente 88% de l’énergie primaire consommé, la production locale 12% ».

L’avis du public

Le SRADDET étant réalisé en collaboration et en « co-construction », il peut recevoir des contributions d’acteurs publics ou privés. En juin dernier, l’association TaCa a fait partie de ces contributions. Son objectif : inverser la manière, très globale et avec des objectifs territoriaux, de penser l’objectif climat, pour se recentrer d’avantage sur le rôle du consommateur. Autrement dit : transformer la réflexion globale en responsabilité individuelle. Le projet européen Hope a évalué, à la suite de la COP21, des ménages de la région aixoise pour connaître leur empreinte carbone. Dans le rapport régional de l’Ademe, il est précisé que la moyenne par habitant des GES pour la Nouvelle-Aquitaine est supérieure à la moyenne nationale et que « les émissions directes des ménages (résidentiel et déplacement de personnes) couvrent un tiers du total des émissions de GES » (37% pour le seul secteur des transports). Jean Sireyjo, membre de l’association TaCa, justifie le mode de pensée soulevé dans la contribution qui prône « une intensification de la comptabilisation à la consommation en pondérant ces données par le poids carbone estimé de chaque bien de consommation ».

Ainsi, pour Jean Sireyjol, « il y a un écart incroyable entre l’objectif du dernier SRADDET et cette consultation alors qu’on ne nous a jamais dit qu’on était à ce point en dehors des clous. Visiblement, la Région utilise une politique pas adaptée au problème puisque l’écart entre les objectifs et ce qu’elle est en train de faire est incroyable. Il y a un aspect technique à prendre en compte sur la comptabilisation des EGS dans le monde, qui est actuellement territoriale : on compte les EGS dans l’endroit où elles sont produites. On achète des voitures qui viennent de Chine, mais l’énergie et les émissions rejetées sont comptabilisées en Chine. L’approcche consommateur, ça mettrait ce dernier au centre du choix puisque c’est lui qui va prendre en charge toutes les EGS nécessaires pour la voiture qu’il a choisi d’acheter. La seule justice possible, c’est que chacun aie droit à la même part. C’est par le portefeuille qu’on peut faire changer le comportement des consommateurs, il faut que les politiques aient le courage de le dire », commente ce dernier. Son avis n’est évidemment pas exhaustif puisqu’il fait partie des 106 propositions déposées sur la plateforme de concertation régionale. Avant l’adoption du SRADDET dans sa version définitive, prévue pour la fin de l’année 2019, la Nouvelle-Aquitaine continue de proposer de nouveaux dispositifs à poser à côté de ceux déjà existants : lors de sa prochaine session plénière sera lancé un programme régional d’efficacité énergétique, un service public dont le comité de pilotage sera formé dans le but de « lancer de nouveaux dispositifs opérationnels », et elle travaille actuellement sur un schéma régional de raccordement des énergies renouvelables. L’enquête publique du SRADDET (et l’ouverture jusqu’au 15 décembre des contributions numériques) auront la lourde charge de permettre de récolter des propositions plus concrètes que ces grandes orientations, définies dans chaque domaine (par exemple, celui des transports) avec les acteurs publics et privés ayant participé aux débats. Cela semble en tout cas essentiel au vu des ambitions affichées… En attendant, le « climat citoyen » cherche ses adeptes : une troisième marche pour le climat devrait avoir lieu à Bordeaux le 8 décembre prochain… si le jaune ne s’impose pas sur le vert.

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