Le carbone bleu : la réduction d’émission de gaz par les plantes étudiée à La Rochelle


Laboratoire LIENSs
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 28/02/2019 PAR Anne-Lise Durif

« Le carbone bleu, c’est la capacité de l’écosystème marin, via sa végétation, à capter du CO2, à le transformer et à le stocker dans le sédiment marin sous une autre forme de matière, comme le glucose ou le saccarose, que l’on retrouve par exemple dans la composition de la tourbe », explique Christine Dupuy, professeur en écologie microbienne et directrice de recherche au laboratoire LIENSs à l’université de La Rochelle. « Etudier le carbone bleu, c’est donc étudier les capacités de l’écosystème marin à séquestrer du CO2 ». Et son intérêt est loin d’être négligeable : « Les zones marines végétalisées ont un super pouvoir de captation par rapport aux surfaces qu’elles occupent. Ces véritables « puits de carbone » représentent 0,2% de la surface côtière mais absorbent 50% du carbone de leur environnement », poursuit la chercheuse. « Or, après la mangrove outre Atlantique, ce sont les marais de nos territoires qui ont le plus de capacité de stockage à l’hectare ».

Le laboratoire LIENSs étudie depuis une dizaine d’années le fonctionnement des marais, de ses vertus épuratrices  à l’habitat qu’il représente pour la faune et la flore. Les nouvelles problématiques environnementales, et le programme « territoire littorale urbain zéro carbone » porté par l’agglomération de La Rochelle, ont incité les scientifiques du laboratoire à orienter leurs recherches sur le carbone bleu depuis un an. Un recensement des zones humides  est d’ailleurs en cours depuis plusieurs mois avec l’agglomération, pour identifier tous les sites avec un potentiel de captation : marais salés ou doux, vasières, herbiers, estrans.

Zone de marais dans l'agglomération de La RochelleLa sélection de l’agglomération de La Rochelle à la première étape de l’appel à projet de l’Etat pour créer des « Territoires d’innovation de grande ambition » (Tiga) a permis de financer un premier recensement de la biodiversité (faune et flore) des zones humides du territoire rochelais. Une autre partie de cette enveloppe sert à financer l’étude sur le fonctionnement du milieu. 

Evaluer le potentiel de recyclage du carbone par les plantes

Articulées en 5 volets d’études, les recherches du laboratoire Liens ne sont encore qu’à leurs débuts mais s’annoncent déjà riches d’enseignements.  Après avoir mené des recherches bibliographiques sur tout ce qui a pu être mené sur le sujet précédemment, l’heure est à l’étude de terrain. « En premier lieu, notre objectif est d’établir un bilan carbone de toutes les zones humides de notre territoire, c’est-à-dire d’identifier leur capacité de stockage », explique la chercheuse, « Il faut savoir que certains végétaux ne piègent pas le carbone mais le transforment en d’autres substances qu’ils relâchent dans l’atmosphère,  par exemple sous forme de méthane. » Or, une plante qui relâche du méthane va faire baisser le bilan « carbone bleu » d’une zone humide. Pour les chercheurs, il s’agit donc d’identifier les zones avec les meilleures capacités d’absorption et d’épuration.

« Comme il existe une variation importante des flux de carbone selon les zones mais aussi selon les saisons, la météo et les marées, nous avons sélectionné 5 sites pilotes, représentant les divers types de zones humides de notre territoire, afin d’analyser leur évolution au gré des saisons. L’objectif étant de réaliser un bilan carbone annuel pour chacun », poursuit Christine Dupuy. La baie de l’Aiguillon, l’entrée du port de plaisance de La Rochelle, le marais de Tasdon (La Rochelle), le marais doux de Châtelaillon et les herbiers du marais d’Yves font ainsi l’objet d’une attention particulière. La capacité d’absorption de la végétation sous-marine est également à l’étude, grâce au suivi d’une zone située au large des îles de Ré et d’Oléron, appelé point SOMLIT (pour « Service d’observation en milieu littoral »), point de référence d’échantillonnages pour tous les chercheurs du milieu marin. « L’idée générale, c’est de comprendre comment ça fonctionne pour voir sur quels leviers interagir pour soit augmenter la capacité de stockage d’un milieu, s’il a été altéré, et lui rendre 100% de ses capacités ; soit recréer des pièges à carbone artificiel, c’est-dire réimplanter des zones de lagunages là où il y en avait historiquement », explique la directrice de recherches. Le marais de Tasdon, objet à lui seul d’un des 5 volets de recherches, va d’ailleurs faire l’objet d’une campagne de réhabilitation, à partir de mai 2019.

Créer des produits innovants absorbeurs de carbone et protecteurs des côtes

Quatrième volet des études menées par le laboratoire LIENSs dans le cadre du projet « territoire littoral urbain zéro carbone », la compréhension du fonctionnement des « pièges à carbone » ne va pas servir uniquement à récréer des zones naturelles. L’étude prévoit de trouver des solutions innovantes pour intégrer de la biomasse végétale dans les constructions, comme les bâtiments, le mobilier urbain ou les routes, pour faire office de pièges à carbone en milieux urbains. Pour l’instant tenues secrètes, certaines de ces futures innovations sont en cours de développement avec des entreprises privées françaises. A terme, l’agglomération rochelaise pourrait donc devenir territoire test de ces nouveautés.

De son bassin versant jusqu'à l'océan, l'agglomération rochelaise fait l'objet d'une recherche sur le cycle de l'eauRecycleurs de carbone, protections contre les submersions, le milieu naturel offre une foule de potentiels à condition d’être accompagné par des gestes écologiques, à commencer par l’usage de l’eau par les habitants et les agriculteurs du territoire, site test sur l’impact des intrants de la source à l’océan.

L’ultime volet de ces recherches consiste à analyser la vulnérabilité des sites pilotes face aux submersions marines. Car ces puits carbones végétaux sont aussi appelés à faire office de zone tampon en cas d’inondations. Un travail va donc être mené pour inventer des nouvelles protections « douces » des côtes. Sachant que les digues seront obsolètes d’ici quarante ans, « il va falloir penser à des protections autres que les digues, notamment par l’aménagement de la nature », explique Christine Dupuy. Le laboratoire LIENSs étudie les dépôts calco-magnésiens, dans le but de les utiliser comme matériaux pour renforcement (de digue ou du de pied de falaise, par exemple) ou en remplacement de protections existantes. Une expérimentation est d’ailleurs en cours sur la plage de Chatelaillon. Là aussi, le laboratoire LIENSs travaille en partenariat avec trois entreprises, dont la société rochelaise Ovive, spécialisée dans le recyclage des coquilles d’huîtres et autres coquillages.

Impliquer les agriculteurs et le grand public

Si l’objectif final est de trouver des solutions naturelles pour aider à réduire l’impact carbone de nos villes,  elles ne pourront fonctionner à elles seules et devront s’accompagner de nouveaux gestes éco-citoyens de la part des habitants. A commencer par la préservation de la ressource en eau. A la problématique du carbone bleu, la CdA de La Rochelle et le laboratoire Liens ont décidé d’adjoindre une étude sur l’impact des intrants sur tout le cycle de l’eau, du bassin versant jusqu’à l’océan. La CdA cherche actuellement des agriculteurs dans l’agglomération qui accepteraient de jouer le jeu de la transparence et de la réduction des intrants, pour observer l’impact de ces derniers le long de la chaîne de l’eau.

 Christine Dupuy

Objectif pour Christine Dupuy : faire des milieux humides du territoire « une zone visible et utile »


La recherche sur le carbone bleu, une opération mobilisant une foule de partenaires

Dans ses recherches sur le carbone bleu, le laboratoire LIENSs est aidé par une quarantaine de scientifiques issus de son université mais également de laboratoires de Brest, de Bordeaux et de Montpellier, ainsi que de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de L’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer), dans différentes spécialités. Les expérimentations sur les sites pilotes sont également co-construites avec l’union des marais de la Charente-Maritime (Unima), qui apporte notamment son expertise en génie végétal et biologique, ainsi que les services techniques de la CdA de La Rochelle.

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