L’homme dont il est question, pourtant né sur une île, veut recréer son monde à lui, sur un bout de terre restreint, surtout, sans frontière, mis à part la mer autour. Une île donc, qu’il loue pour 99 ans, autant dire une éternité. Là il recrée un monde, en effet, où la hiérarchie n’empêche point le bonheur, du moins en apparence. Mais l’île semble maudite et le bel idéal s’effondre, sapé par les vents de la ruine et de la solitude revenue.
Notre homme s’installe sur l’île voisine, plus petite encore, où il vit avec l’essentiel, du moins le croit il. C’est compter sans son instinct d’homme qui soudain le rattrape, c’est compter sans une fleur inattendue soudain sur le rocher aride : Flora, dont il devient l’amant « par pitié pour elle », sans mesurer le réel pouvoir que, tout comme l’île, elle exerce sur lui. La tentation d’une île… n’est−ce pas finalement un leurre ? Le refuge, un piège ? Notre homme fuit…
La troisième île, cette fois, n’est que solitude. Loin du miroir aux alouettes notre homme est bien cette fois face à lui−même, seul à seul. Il n’est plus maître de personne, ni de rien. Il glisse, le dirait−on, aux confins de la folie : il neige sur son île, le froid le gagne, l’engloutit.
Trois îles, un même destin, et un certain portrait de l’Homme, perdu qu’il est parfois entre ses désirs et sa destinée fatale. Peut−il −peut−on ?- réellement échapper à l’âpreté de la vie, à la rudesse du chemin ? Ou, bien au contraire, la vraie sagesse n’est−elle pas de se laisser happer par les remous de la mer, sans jamais plus chercher à maîtriser quoi que ce soit… Voilà donc le mystère des envoûtantes îles : à l’image des reflets infinis sur la surface de la mer chacun choisit et colore son horizon de ses teintes personnelles, à l’image de ses passions, de ses rêves ou de ses renoncements. « L’homme qui aimait les îles » se cherchait. Chacun se retrouvera dans ce récit−miroir, qui offre−par ailleurs− de bien belles images.
Anne DUPREZ
L’homme qui aimait les îles, de David H. Lawrence, éditions l’Arbre Vengeur