Marilyne Casavieille, l’instinct de bergère en héritage


Maryline Casavieille installée en 2019, est bergère dans la vallée d'Aspe. Un métier par amour des bêtes et par attachement à poursuivre l'histoire de sa famille.

Marilyne Casavieille et ses brebis à Lees Athas, en Vallée d'Aspe (Pyrénées-Atlantiques)Aqui.fr
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 27/04/2022 PAR Solène MÉRIC

C’est à Lées-Athas, au cœur de la vallée d’Aspe entourée de vertes montagnes aux sommets souvent brumeux qu’a grandi Maryline Cazavieille, 23 ans. Les sons de son enfance, ce sont les beuglements des vaches, les bêlements des chèvres et des brebis, et le tintement des troupeaux allant d’une prairie à une autre. C’est aussi une enfance avec frère et sœur accompagnant leurs parents dans les granges, près des animaux dès le plus jeune âge. De quoi vous filer l’amour des bêtes et du grand air dès le berceau et, très tôt, le sens des responsabilités. De quoi aussi vous cheviller au corps et à l’âme l’impérieuse volonté de faire vivre le patrimoine des générations précédentes. Marilyne, s’est installée sur l’exploitation familiale en 2019, développant le troupeau de brebis en lait AOP Ossau-Iraty.

Dans la vie, il y a ce que vous faites, et, parfois, ce que les autres ont fait avant vous. Ce qu’ils vous lèguent. A prendre ou à laisser. Maryline Casavieille revendique l’héritage. La ferme où elle vit appartenait à la famille de sa grand-mère. « Mon grand-père, agriculteur, l’a rejointe ici, mon père a continué, puis ma mère, non issue du milieu agricole, a créé l’atelier de transformation du lait. Et maintenant mon frère et moi, sommes aussi sur la ferme. Chacun à sa  »spécialité », mais bien sûr on s’entraide. » décrit-elle.


Trois troupeaux laitiers
Et du travail, les Casavieille n’en manquent pas : le GAEC familial, créé à l’occasion de l’installation de Marilyne, et en vue de l’arrivée de Jean, le petit frère, compte historiquement 3 troupeaux laitiers. En s’installant, Marilyne a repris et développé d’une centaine de mères, le troupeau ovin dont s’occupait encore jusque-là son grand-père. Résultat, l’élevage compte 100 têtes de vaches de race Montbéliarde dont 55 mères, 600 têtes de brebis Basco-béarnaises dont 500 mères et 50 têtes dont 35 mères pour le troupeau caprin élevé hors sol. Bref, « une grosse exploitation ».

« On commence la traite du matin à 7h30, on finit celle du soir vers 22h30 », détaille la jeune femme volontaire à la tâche. « Les brebis ça vous occupe toute la journée ! Les traites, l’alimentation au tapis, la mise en pâture… J’ai 3 lots que j’installe sur 3 sites autour ou dans le village. Le lot de 360 têtes, le plus important, je le fais tourner sur 2 ou 3 parcelles différentes dans l’après-midi, car nous n’avons que 70 ha pâturables dont beaucoup sur des communaux. C’est assez peu par rapport au nombre de têtes », explique la jeune femme.

Une connaissance et un savoir-faire sur la gestion du bétail qu’elle a appris en grandissant sur la ferme et grâce aux conseils de son père et de son grand-père. Sa formation au lycée agricole de Montardon, près de Pau, pour l’obtention de son Bac STA sur la transformation agroalimentaire, puis d’un BTS Analyse et stratégie d’une exploitation agricole, elle en mesure les atouts du point de vue de la gestion ou de la comptabilité de l’exploitation. Dans le cadre du BTS, il y a bien eu ce stage de terrain de 9 semaines. Mais « un peu trop casanière » Maryline n’a pas saisi là, un ticket pour l’aventure : « je suis allée chez un voisin qui a le même système d’exploitation que nous.»

Les brebis de Marilyn Casavieille paturent sur des parcelles communales de Lees AthasAqui.fr

Les brebis de Marilyn Casavieille paturent sur des parcelles communales de Lees Athas

AOP Ossau-Irraty et IGP Agneau de lait des Pyrénées
Le lait produit par les brebis de Maryline bénéficie de l’Appellation Origine Protégée Ossau-Iraty. Un incontrounable, en réalité. « On fonctionne tous comme ça ici. Nous sommes sur la zone de l’AOP, avec une des races du cahier des charges. Reste à suivre les conditions sur l’alimentation et le repos des bêtes. C’est relativement facile d’avoir le label » ; même si, dans une franchise qui la caractérise, elle trouve que la plus-value de l’AOP [20 centimes par litre par rapport à du lait hors AOPl, ndlr] n’est pas « super intéressante » par rapport aux efforts fournis sur l’alimentation, qui doit en grande partie rester locale.

Cette labellisation Ossau-Iraty du lait, c’est aussi parce que « la laiterie de notre secteur ne collecte qu’en Ossau-Iraty. Autrement dit, nous n’avons pas le choix. (…) Mais c’est une sécurité cette collecte, une rentrée d’argent assurée tous les 15 jours », mesure-t-elle. Près de 70% du lait de brebis est collecté, le reste est transformé en fromage par sa maman. Un fromage qui ne bénéficie pas de l’AOP Ossau-Iraty. Un choix assumé :  « Pour nous, il n’y a pas vraiment d’intérêt commercial à avoir l’AOP sur nos tommes », commente la principale intéressée qui vend auprès de grossistes.

Les agneaux, eux, sont aussi produits sous signe de qualité et d’origine : le Label Rouge Agneau de lait des Pyrénées. Zone géographique, race locale, absence de traitements _ou naturels, uniquement nourris au lait maternel, pas de croisement de races… Les agneaux de Marilyne cochent toutes les cases. « On y est passé car ce n’était pas compliqué pour nous, on était sur un système déjà « naturel », mais il n’y a pas de différence de prix avec les agneaux hors label ». Là aussi tradition locale ou presque : le label était sur la ferme avant elle.



« La meilleure bergère du 64! »
Choisis ou pas, ces labels sont aussi une garantie du bien-être animal pour le consommateur, qui n’a pas la chance de voir la bergère au milieu de son troupeau, caressant ça et là quelques têtes blanches, bien contentes d’être ainsi saluées.« Elle a un véritable instinct avec les animaux, depuis toujours. C’est la meilleure bergère du 64 ! », taquine sa maman. Et pas un membre de la famille Casavieille, jusqu’aux fiers grands-parents, ne dira le contraire.

Le revers des macarons, « c’est les contrôles, tout le temps pour tout. Les labels, la PAC, les mises aux normes…» s’emporte un brin Marilyne. « Bien sûr, la traçabilité c’est normal, mais parfois, on a vraiment l’impression qu’ils tatillonnent. Moi je crois qu’il vaut mieux penser à nourrir l’agneau plutôt que penser à remplir des papiers ! On vous met la pression sur des détails qui n’enlèvent rien à la qualité du produit. On doit avoir la tête à tout : il faut être éleveur, véto, suivre l’administratif, les papiers, les mises aux normes, se soumettre aux contrôles… »

Les brebis en estive auprès de la cabane de Marilyne Casavieille sur le Layens, un des premiers sommets montagneux de la Vallée d'AspeAqui.fr

Les brebis en estive auprès de la cabane de Marilyne Casavieille sur le Layens, un des premiers sommets montagneux de la Vallée d’Aspe

« La folie des grandeurs »
« Un engrenage » de normes, et donc de travail supplémentaire, qu’elle regrette. Mais, lucide, elle reconnaît aussi qu’« en agriculture, on a parfois un peu la folie des grandeurs, on veut toujours plus… et ça devient d’autant plus difficile de tout faire.» Chez les Casavieille, on évoque même parfois la possibilité de réduire. Surtout quand les parents seront partis. « Dans le cadre d’une installation aidée comme la mienne, on vous encourage aussi volontiers à investir, à moderniser… C’est très bien qu’il y ait des aides, vraiment, mais tout ça est aussi synonyme d’emprunts… Il faut aussi savoir rester raisonnable et dans un projet que l’on peut vraiment gérer. », estime-t-elle.

Pas de quoi pour autant remettre en cause l’accompagnement reçu de la part de la chambre d’agriculture tant sur le dossier d’installation et son délai de traitement que sur les conseils juridiques « précieux » qui ont amené à faire évoluer les statuts de la ferme à son arrivée.


« Ce métier a un but »
S’il y a bien des coups durs ou des coups colère, la jeune femme ne s’est jamais imaginée faire autre chose. « Ce métier à un but. On nourrit, on entretient des paysages et des montagnes qu’on garde vivantes, on élève des animaux que l’on fait naître et que l’on voit grandir… Je ne regrette pas. » appuie-t-elle. Une passion qui l’amène aussi tous les ans, depuis ses 18 ans à accompagner environ 400 brebis sur le chemin de l’estive. Trois mois passés dans la cabane aménagée sur le Layens, un des premiers sommets montagneux de la Vallée d’Aspe.

« Il faut 2h30 à 3h de marche avec le troupeau. Ce n’est pas très loin de la maison ; une piste y mène en voiture en 40 minutes. Ma tante, qui adore les animaux, vient me relayer parfois, une nuit ou un week-end », raconte-elle.
Les animaux, le paysage de la vallée, et la famille, encore.


L’info en plus :
Aqui publie une série de portraits de jeunes installés en agriculture en amont de la Journée Installation Transmission, le 24 mai à 14h30 Hall 4 du Parc des Expositions de Bordeaux dans le cadre du Salon de l’agriculture Nouvelle-Aquitaine.

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